Le climat influence-t-il la diversité linguistique ? L’exemple de la Nouvelle-Guinée

Une équipe franco-allemande du laboratoire PACEA (université de Bordeaux-CNRS-Ministère de la Culture), du Römisch-Germanisches Zentralmuseum et du Max Plank Institute (Nicolas Antunes, Wulf Schiefenhövel, Francesco d’Errico, William Banks, Marian Vanhaeren) s’est intéressée à la question du lien possible entre la répartition géographique des langues et l’environnement en conduisant une étude à très fine résolution spatiale sur l’ensemble de la Nouvelle-Guinée. Pour cela, l’équipe a eu recours à une approche statistique multivariée : la modélisation de niches éco-linguistique, une méthode empruntée au domaine de la biodiversité.

Cette approche inédite offre pour la première fois un moyen de prendre en compte simultanément une série de variables environnementales et de tester leur influence sur chaque groupe linguistique indépendamment. Ainsi, il n’est pas établi d’apriori quant à un impact équivalent des facteurs environnementaux sur la répartition spatiale des groupes linguistiques pouvant avoir des stratégies de subsistance ou des adaptations socioculturelles qui leur sont propres. Parmi les 29 groupes linguistiques étudiés de l’archipel de Nouvelle-Guinée, différents types de corrélations avec l’environnement ont été identifiés.

Les chercheurs ont constaté que la plupart des groupes linguistiques partagent leur niche éco-linguistique avec d’autres groupes linguistiques. Cela suggère qu’il n’y a pas de corrélation claire entre l’environnement et la répartition géographique de ces groupes. Ainsi, il semble probable que d’autres facteurs, tels que ceux dépendant d’aspects psycho-sociaux, historiques ou culturels, jouent des rôles plus décisifs dans les diversifications linguistiques.

Enfin, et contrairement à ce qui est observé pour les groupes linguistiques, les familles linguistiques présentent peu de similitudes entre leurs niches respectives. Cela pourrait signifier que l’environnement joue un rôle plus conséquent dans l’expansion et la répartition des populations parlant des langues appartenant à une même famille linguistique.

Ces résultats devraient avoir des implications importantes pour les futures recherches ethnolinguistiques, ethnoarchéologiques et archéologiques en Nouvelle-Guinée comme ailleurs, car ils offrent un cadre commun dans lequel des variables environnementales, linguistiques, psycho-sociales et culturelles peuvent être corrélées de manière systématique.

Il peut être espéré qu’à terme la fascinante diversité linguistique et culturelle de l’humanité puisse être mieux cernée.

Référence de l’article : Nicolas Antunes, Wulf Schiefenhövel, Francesco d’Errico, William E. Banks, Marian Vanhaeren. Quantitative methods demonstrate that environment alone is an insufficient predictor of present-day language distributions in New Guinea. PLOS ONE.

DOI 10.1371/journal.pone.0239359